Bob Dylan

Même si la mélodie est plutôt agréable et malgré la présence de Johnny Cash, je dirais simplement et non sans une certaine concision que ça fait quand même assez mal d'entendre le grand prêcheur apocalyptique électrifié qui enfilait quelques années plus tôt les superpositions évocatrices et autres acrobaties référentielles sur fond de son mercurien avec une facilité que seul Bjarne Riis approcha dans l'ascension vers Andorre en 1997, le trublion aux contagieuses et hautaines certitudes assénées avec la même hargne ravageuse que les premiers accords de "Like a Rolling Stone" à Newport en 1965, l'incarnation la plus inaccessiblement sublime de l'idée même de classe, le grand pourfendeur des porteurs de pancarte et autres handicapés de la conscience individuelle, le détourneur de mythes en chef et infatigable creveur de boursouflures en tous genres, le champion toutes catégories de l'aphorisme imparable monté sur bottines avec sourire en coin et lunettes impénétrables en option, le phénomène ululant surfant avec une magnificence impertinente et dédaigneuse sur des torrents de blues survitaminé, le joailler-ciseleur de bijoux pop tellement indémodables qu'ils ont crée autant de vocations qu'ils en ont étouffé dans l'oeuf, le visiteur hagard des tréfonds de la conscience acidifiée et des ruelles de la désolation, le jester hirsute de nos cours intimes, se complaire dans une langoureuse ballade qu'Hughes Aufray considère sans aucun doute comme l'indiscutable sommet de la discographie dylanienne.

Tu peux aussi me sucker sur le compact de Lay lady lay,
Ou pour changer m'ensuquer avec Bill Haley, allez suck baby

Les discussions de ces derniers jours réveillent des souvenirs gainsbourgiens, v'voyez...

Je salue avec plaisir le retour en ces lieux du trop rare Hidalgo del Quinto, qui nous a livré une belle explication achilletalonesque sur le duo Dylan/Cash de Nashville Skyline.


C'était pas plutôt 1996, la montée la plus marquante de Riis? (dans une étape du Tour tronquée en raison d'horribles conditions météo, avec défaillance d'Indurain Symboliquement elle me paraît plus forte) Celle dont tu parles, c'est probablement celle où il se laisse descendre le long du groupe de tête avant de mettre une grosse attaque... (mais c'est pas 1996 aussi?) Baste, je m'égare.

Je retourne à Blonde On Blonde.

ratel a écrit:

Béroalde De Fuzz a écrit:

Bon.

Oh, forumeurs. Ceusses qui se taisent dans le fond, hein, les précautionneux qui se mouillent pas et autres neutralistes circonspects, engagez-vous un peu et dites ce que vous en pensez, parce que là, antagonisme.

Ben kesstu veux, j'ai jamais écouté un album de Dylan. Même pas honte en plus, ça m'a juste jamais fait envie.

J'adore la chanson "Like a Rolling Stone", mais je n'ai jamais eu l'occasion d'écouter ses albums...Je remets toujours à plus tard, après les 36457945 albums à écouter avant. A tort sûrement.

Baah pour moi Dylan c'est symbolique, mon premier vinyle, et puis bon c'est quand même une flopée de morceaux gigantesques. Après c'est sûr que personne n'a jamais brillé d'un bout à l'autre d'une discographie longue comme un bras. En fait je redécouvre de temps en temps un morceau de Dylan, je l'écoute jusqu'à saturation, j'oublie et ça recommence. Mais j'ai bizarrement entendu Like A Rolling Stone très tardivement (j'ai naïvement cru jusqu'à l'âge de 14 ans que c'était Just Like A Woman - je vous laisse imaginer ma stupéfaction lorsque je me suis rendue compte de mon erreur).

A monsieur Hidalgo del Quinto, je dis "monsieur".
Maintenant, à son argumentaire, nous rétorquerons en un mot:

...Mmmmmmmouais.

C'est quand même t'y pas mieux que Dylan, une fois arrivé à l'empyrée du l'apothéose, plutôt que de déchoir comme, au hasard, les Roll... ah non je me gourre, ils ont pas sorti de mauvais albums, eux, - enfin que Dylan rescapé rompe définitivement et écrive tout bêtement de bonnes chansons? Il n'a jamais été question dans notre controverse, que je sache, de mettre en regard Blonde on B. avec Nashville Skyline, tout le monde est d'accord, alors pourquoi comparer ce qui n'est pas comparable et bouder? A partir de là, j'y peux rin, j'adore les niaiseries, même par Dylan.

Pourquoi toujours sanctifier les grands genres (épopées, prophéties, apocalypses)? Sans vouloir tripoter les mânes d'Amélie Pouliche ni verser dans le visqueux émerveillement delermien, pourquoi le grand Bob n'aurait-il pas droit d'oeuvrer dans le léger voire l'anodin: et la profondeur de la superficialité, hein? on se la met où, la profondeur de la superficialité?

Oh et puis Dylan prophète faut pas exagérer. Si ça se trouve, ses fameux textes oraculaires sur lesquels Mick Jagger et Bruce Springsteen passaient certainement des soirées entières à dresser des exégèses selon les quatre sens de la symbolique théologique médiévale, si ça se trouve il les écrivait au générateur aléatoire. Allez, zou, j'essaie, top chrono:

"Et le Reine Cybèle roule sur son scooter chromé vers le bowling de Samarkande/ Emportant derrière elle Charlie Parker qui fait du gringue au dernier dinosaure partouzeur de droite."
Pas compliqué.

Sur ce, je vais réécouter Nashville Skyline, des fois que.

Béroalde De Fuzz a écrit:

et la profondeur de la superficialité, hein? on se la met où, la profondeur de la superficialité?

Je la note!

Cher Béro, chers tous, chère France éternelle,

Certains ici savent bien que je n'ai strictement rien contre l'anodin, voire même le sirupeux. Je suis quand même sans doute le plus grand fan des Thrills sur le présent et respectable forum, pour donner une idée des guimauvetés dans lesquelles je puis complaisamment me vautrer. Je trouve juste que, sans toucher le fond, "Nashville Skyline" n'est qu'un album tout juste correct au vu des possibilités du garçon. Quelque part, il n'est pas à l'aise dans le registre de la ritournelle. Une chanson comme "I threw it all away", par exemple, s'effondre par moments dans le cliché au point qu'on vient à douter de la sincérité de l'interprète: "Love is all there is, it makes the world go round, love and only love, it can't be denied". Ouch.

Alors oui, bien sûr, il a parfaitement le droit de tourner le dos aux brulôts prophétisants et de revenir à une forme de premier degré country mais toutes proportions gardées cela donne à peu près le même résultat que si Lou Reed pondait un album de reprises de Kris Kristofferson ou si Joan Baez se mettait à chanter du Adam Green: une curiosité presque aberrante.

Sur ces derniers albums, les choses sont peut-être différentes. Avec son look de mariachi et sa moustache à la Clark Gable, il balance des grosses balades à papa avec l'air du type revenu de tout à qui on ne la fait plus, et fait passer le tout avec une sorte de goguenardise de vieux pirate balafré des mers du sud. A l'époque de Nashville Skyline, il était à mon sens plus crédible en prêcheur masqué qu'en crooner pour midinettes. Il faut avoir entendu sa reprise de "I can't help falling in love with you" pour s'en convaincre définitivement.

J'incite Béroalde et El Hidalgo à continuer de se chamailler joyeusement, quelle délectable lecture

Béroalde De Fuzz a écrit:

et la profondeur de la superficialité, hein? on se la met où, la profondeur de la superficialité?

C'est précisément la réflexion que je me faisais à l'instant, tandis que je réécoutais Eldorado d'Electric Light Orchestra.
...


...
...
Ah mince, y paraît que sur PlanetGong c'est ce qu'on appelle un coming out.

Citation :

J'incite Béroalde et El Hidalgo à continuer de se chamailler joyeusement, quelle délectable lecture

Exactement.

Citation :

Alors oui, bien sûr, il a parfaitement le droit de tourner le dos aux brulôts prophétisants et de revenir à une forme de premier degré country mais toutes proportions gardées cela donne à peu près le même résultat que si Lou Reed pondait un album de reprises de Kris Kristofferson ou si Joan Baez se mettait à chanter du Adam Green: une curiosité presque aberrante.

Ah ah!!

On reconnait là la prose estampillée "éducation nationale"

On ne doit pas vous confier la rédaction des slogans des actuelles manif, dites moi ? A ce compte là, les mecs peuvent se carrer deux tours du périf en petite foulée sans jamais être à sec...

Je ne suis pas sûr qu'on puisse parler d'un label "éducation nationale" au sujet de nos proses respectives. Ce serait plutôt leur faire injure, tant l'institution est peuplée de bayrouistes sans imagination, de phénomènes sous-cultivés pour qui le rock s'arrête à Coldplay et de personnages aussi lisses que les sièges de leur monospace qui ne se rendent même pas compte de la vacuité abyssale de leur très superflue existence. Mais effectivement, l'illustre Béro et moi-même partageons un certain goût pour la logorrhée.

J'ajoute que si je me fais rare, c'est aussi parce que je suis occupé à écrire des articles sur Dimitar Berbatov, tâche ô combien nécessaire dont il faut bien que quelqu'un s'acquitte.

el hidalgo del quinto a écrit:

J'ajoute que si je me fais rare, c'est aussi parce que je suis occupé à écrire des articles sur Dimitar Berbatov, tâche ô combien nécessaire dont il faut bien que quelqu'un s'acquitte.

artiste malheureusement largement sous estimé...n'en déplaise à Tony Vairelles, dont le style plein de fougue fut malgré lui à maintes reprises copié voir falsifié.

Mais ne nous eloignons point des vrais sujets (à aborder le ballon à rabord de Côtes du Rhône),
quid du troisièmes album des strokes ?
Coup de génie ou vague fumisterie néo-kitsch ?

Peu de nuques longues ont autant virevolté sur les pelouses que celle du grand Tony.

Rappelons que l'idole de tout Bollaert est un des rares balloneux à écouter du wock'n'woll

Citation :

Je retourne à Blonde On Blonde.

Facile, ça.

Citation :

es Roll... ah non je me gourre, ils ont pas sorti de mauvais albums, eux,

Rock 'n' roll et...? Mauvaise foi? Tiens, Beroalde, va-t'en éclairer ma lanterne sur le sujet qui est consacré à leurs rééditions, je t'en prie!

Citation :

"Et le Reine Cybèle roule sur son scooter chromé vers le bowling de Samarkande/ Emportant derrière elle Charlie Parker qui fait du gringue au dernier dinosaure partouzeur de droite."
Pas compliqué.

Pas compliqué, mais tu devrais filer la recette à quelques gars du métier... Ca nous rendrait la vie (et la musique) plus belle, té!

Citation :

# 1962 : Bob Dylan très bon

Ah! Ca fait plaisir... Ne serions-nous que deux à apprécier cet album sympathique en diable (et rageur) (et de 1961)?

Citation :

# 1970 : New Morning ça s'écoute

Si lui s'écoute, on peut dire alors que Planet Waves s'écoute très bien!

Citation :

# 1983 : Infidels non plus

Ouarf... Si. Il n'est pas génial, mais c'est quand même plus intéressant que ses deux précédents, et que ses proches successeurs.

Citation :

# 1989 : Oh Mercy un peu mieux

Non! Pas un peu mieux que "aaargh"! Beaucoup mieux! C'est un bon album (je les aurai mes 25!).

En résumé, quiconque aime assez Bob Dylan pour s'acheter et se fader tous ses albums écoutables peut faire confiance à :
# 1962 : Bob Dylan très bon
# 1963 : The Freewheelin' Bob Dylan très bon
# 1964 : The Times They Are a-Changin' formidable
# 1964 : Another Side of Bob Dylan très bon
# 1965 : Bringing It All Back Home génial
# 1965 : Highway 61 Revisited génie total
# 1966 : Blonde on Blonde génial
# 1967 : John Wesley Harding très bon
# 1969 : Nashville Skyline mouais
# 1973 : Pat Garrett & Billy the Kid mouais
# 1974 : Planet Waves mouais
# 1975 : Blood on the Tracks super bon
# 1975 : The Basement Tapes très bon
# 1976 : Desire excelent
# 1979 : Slow Train Coming non
# 1983 : Infidels non plus
# 1989 : Oh Mercy un peu mieux
# 1992 : Good as I Been to You pas mal
# 1993 : World Gone Wrong ah ouais
# 1997 : Time Out of Mind god is back
# 2001 : "Love and Theft" yeaaaah
# 2006 : Modern Times mouais
# 2009 : Together Through Life mouais

24! 24 albums, sans les bootlegs! (on est proche des 25 annoncés) (et j'ai pas mis New Morning, que je trouve très, très bof et ennuyeux, exceptée deux chansons, celle composée avec Harrison, If not for you, excellente, et If dogs run free)

Citation :

(et tu ferais bien aussi de laisser tomber ton idée d'acheter toutes les rééditions des Rolling Stones 70s).

Je veux pas me racheter tous les Stones des 70 (encore que... J'en enlève 2!), mais plutôt savoir si vous avez des infos concernant des rééditions sur le modèle d'Exile... Parce que les précédentes sont apparemment pathétiques.

@hidalgo : Je prie chaque soir depuis un mois pour pouvoir, un jour, être de la même humeur que toi.

C'est sur que si on considère que toute l'américana gros cul que Dylan produit depuis le début des années 70 est bonne, on peut vite trouver 25 bons albums de Dylan.

Non, mais franchement... (ça c'est tiré de Infidels) :