Et les livres sans images, alors?

Quant à Péguy, en faire un sosie de Paul Déroulède, c'est tout bonnement scandaleux, monsieur Hidalgo (vos excuses sur Bloy sont honorables, mais là, persevare diabolicum...). Tous ceux qui ont lu plus de deux quatrains de lui savent qu'il est, de très loin, un des plus grands, plus qu'un écrivain: un maître spirituel. Là encore, lisez ses livres, vous verrez bien: Notre Jeunesse, L'Argent...
En passant: le poème que vous citez (loin d'être le plus important, mais le préféré du Lagarde et Michard, et le seul qu'on connaît, du moins son début) n'est pas un trompettage belliciste cocardier, il s'inscrit dans une tradition homérique et cornélienne, certes quelque peu surannée aux yeux de nos paisibles et généreux contemporains éclairés, on le concède.
D'autre part, c'est en parfaite continuité avec le socialiste révolutionnaire qu'il a été et qu'il est resté que Péguy écrit ces vers avant la guerre: révisez les liens historiques entre gauche et nationalisme (ne serait-ce que les causes initiales du déclenchement de la Commune, vous verrez, c'est intéressant, et vous comprendrez pourquoi ces gens n'auraient certainement trouvé rien à redire à Péguy).

Quant à toutes ces méchancetés sur Jaurès, eh bien, oui, c'est vraiment très très méchant. L'histoire, décidément, ce n'est pas bien propre. Ah! imagine si tout les gens voulaient se tenir par la main et donner un morceau de chance à la paix, comme le chantait un célèbre millionnaire.


En passant, qu'on se penche aussi sur le cas de ce dangereux gredin d'Homère, va-t-en guerre de bas étage dont il serait urgent d'expurger nos bibliothèques (ah! ouf, on me signale que c'est déjà en cours...): quelques vers entre mille, au hasard:
    "Il nous faut maintenant au premier rang des Lyciens
               Nous placer et affronter le feu de la bataille
               Pour que parmi les Lyciens cuirassés quelqu'un dise:
               « Ce n’est pas sans gloire que règnent sur la Lycie
               Nos rois ; ils mangent de gras moutons,
               Boivent du vin de qualité ; mais leur vaillance
               Est noble, et ils se battent au premier rang des Lyciens »  ( Iliade, XII, 315-321 )

Puis Rabelais ou Newton (qui a plus écrit sur la théologie que sur la physique), pour en prendre des qui s'éloignent de l'image qu'on se fait de "l'écrivain catholique", enfin on pourrait continuer à l'infini, je suis pas sûr que ça ait beaucoup de sens de détester les écrivains catholiques, pirate !   

Me fais penser que j'aimerais bien relire du Claudel. J'avais lu une pièce de théâtre, un de ses premiers textes, « La Ville », c'était impressionnant  

el hidalgo del quinto a écrit:

De manière générale, les écrivains catholiques provoquent chez moi une forme de nausée.

Je permettrais de remarquer que Jaures était d'ailleurs plus... disons ouvert... lui qui lisait régulièrement l'Action Française pour le style et la qualité des analyses de certains articles — alors que Maurras appelait régulièrement à son meurtre (de mémoire, des choses comme « chacun d'entre-vous doit bien avoir à portée de mains de quoi réduire le traître, un couteau de boucher ferait l'affaire »).

Citation :

Jaurès, un malfaiteur qui a lutté jusqu'au bout pour empêcher le massacre de 14-18, et dont la mort à ouvert la voie à l'union sacrée

C'est faux, Jaurès était prêt à l'union sacrée, grand bien lui en fasse étant donné le contexte. L'Humanité proclamait au lendemain de sa mort l'« adhésion » des socialistes au schmilblick, en accord avec le mort...

Merci d'avoir eu l'obligeance rétablir certaines vérités. Mon point de vue biaisé sur l'Histoire nationale s'explique sans doute en grande partie par le caractère crypto-marxiste des manuels scolaires, de la propagande pro-jauressienne dont nous abreuvent de manière hebdomadaire les revues politiques et au républicanisme exacerbé de certains de mes professeurs. Imaginez que j'ai eu en terminale une enseignante qui avait fait sa thèse sur la Révolution avec Soboul et mai 68 en prime. Honnêtement, cela devrait être interdit. Comment peut-on mettre ces gens devant une classe? Et nous, pauvres créatures innocentes, qui buvions les paroles de cette pasionaria qui (c'est envisageable, et j'en frissonne), n'avait sans doute même pas lu Bernanos. Vivement le retour des crucifix au-dessus des tableaux noirs et halte au républicanisme laîque qui étouffe ce pays depuis trop longtemps.

Autre point: je ne vois pas en quoi le fait qu'un genre ou style ou figure littéraire s'inscrive dans une tradition lui donne automatiquement de la valeur. Si le grand Homère louait la vaillance de ceux qui se battent en première ligne, je m'excuse, mais il avait tort le pépère, comme tous ceux qui l'ont suivi. Il est certain qu'exalter la bravoure des héros, les boucliers qui brillent avant la bataille et le souffle court des chevaux, ça vous à tout de suite une autre gueule que de s'appesantir (quel manque de goût) sur les ceux qui se font allègrement dessus avant l'assaut.

"Quant à ces méchancetés sur Jaurès, c'est vraiment très très méchant": franchement, me dire ça à moi, comme si je vivais dans le monde des Barbapapa, alors que dans mon panthéon personnel figurent pêle-mêle Pierre Desproges, Norman Mailer, Bob Dylan, H.L. Mencken, Gustave Flaubert, Georges Brassens ou Friedrich Nietszche, tous connus pour leur candeur et leur ingénuité. Il y a une différence entre contredire, corriger d'une part et prendre de haut de l'autre.

  

John the revelator a écrit:

Ah j'avais hésité à l'acheter. Tu peux en dire plus?

un petit extrait vaut mieux que de longs discours :

http://fr.calameo.com/read/0002592281995b73acf0f

Frankystooge a écrit:

John the revelator a écrit:

Ah j'avais hésité à l'acheter. Tu peux en dire plus?

un petit extrait vaut mieux que de longs discours :

http://fr.calameo.com/read/0002592281995b73acf0f

Merci, je connais pas ce truc "calameo"

Non, Hidalgo, je suis confus, mais je te disais tout simplement que je suppose que tu n'as pas lu Péguy, et donc que ce que tu as écrit sur lui est faux, c'est tout. Je t'invite à le lire, parce que c'est un auteur bouleversant, et nécessaire, aujourd'hui largement compissé.

Désolé si mes paroles paraissent cuistres et cassantes et si je parais prendre les choses de haut, mais je suis profondément choqué par l'aplomb avec lequel tu condamnes des hommes importants.
Pour le reste, je ne remets pas en cause ton panthéon personnel.

Péguy n'est pas mort au champ d'honneur ?

Ce poème plus ce fait (Péguy parmi les premiers fauchés de cette guerre), ça me fait vraiment admirer Péguy.

Je ne suis pas dégoutté par cette forme d'idéalisme chevaleresque.

ZigZagWanderer a écrit:

el hidalgo del quinto a écrit:

De manière générale, les écrivains catholiques provoquent chez moi une forme de nausée.

Je permettrais de remarquer que Jaures était d'ailleurs plus... disons ouvert... lui qui lisait régulièrement l'Action Française pour le style et la qualité des analyses de certains articles — alors que Maurras appelait régulièrement à son meurtre (de mémoire, des choses comme « chacun d'entre-vous doit bien avoir à portée de mains de quoi réduire le traître, un couteau de boucher ferait l'affaire »).

Maurras n'était pas catholique.

Sinon Homère, qu'il eut tort ou non, c'est le fondement de notre civilisation occidentale (à mon avis Hidalgo tu es un peu trop perverti par les valeurs judéo-chrétiennes    ).

ayant bien rôdé mon Borges

je me demandais si par hasard il y aurait d'autres écrivains dans un registre un peu similaire ?

on m'a récemment conseillé Rodolfo Wilcock et Adolfo Bioy Casares que je vais essayer très prochainement

si vous avez d'autres idées je prends !

Je reviens un instant sur le citation postée du bouquin de Max Gallo (après Antoine de Caunes, décidément !)

Max Gallo, excusez-moi de cette petite digression, mais c'est un peu un historien de plateau-télé, comme l'autre curé là, l'équivalent des abbés de cour...

M'enfin...
La phrase citée sur Vallès, j'aimerais bien connaître sa source, pour en mesurer le contexte, par curiosité.

En tout cas merci pour la citation sur Jaurès, je la montrerai à mon dabe. À moins qu'il la trouve un peu tièdasse, ça le fera bien ricaner.

Sinon ça tombe bien que l'on parle un peu de la Commune, avec ces tags d'adolescents sur le Sacré-Choeur (immondice architecturale mais lieu saint tout de même).
Je suis tombé sur cet article, le blog est tenu par des admirateurs de Bloy, Bernanos, tout ça.
Ça pourrait t'intéresser Béro (si tu ne connais pas déjà et que tu ne te caches pas sous un des pseudonymes empruntés par les portagonistes !) :
http://leclubdessaumons.wordpress.com/2014/03/19/le-sacre-coeur-est-communard-ignare/

Ce matin je suis allé faire un tour au marché du livre ancien et d'occasion à côté du parc Georges Brassens (tous les samedis et dimanches). Sans doute certains parmi vous s'y sont-ils déjà rendus. Chouette zonerie matinale au milieu des bouquins en tous genres, il y en a vraiment pour tous les goûts, même si les stands à dominante historique sont nombreux. Pas mal de bouquins de poche aussi, mais je vois pas trop l'intérêt d'en acheter, autant se faire plaisir avec des livres reliés (hardback) à prix réduit. En tout cas le combo marché au livre le samedi-puces de la porte de Vanves le dimanche, c'est du solide.

J'ai changé mes plans de lecture pour attaquer ça :



Après The Terror sur la disparition de l’expédition Franklin en Arctique au XIXe siècle, un nouveau roman sur les grands "aventuriers", cette fois consacré à l’expédition Mallory sur l'Everest dans les années 20. Avec un Yeti, je suppose, aux vues du titre.

Et pour son prochain, après Drood sur Dickens (passionnant thriller érudit gâché par une fin en eau de boudin), il prévoit de s'attaquer à Henry James, qu'il fera enquêter auprès de Sherlock Holmes. J'aime bien ces bouquins qu'on attaque plein de doutes, avant de se laisser happer par l'intrigue et les enseignements qui y sont disséminés.

20 an après, ça reste une claque : la forme, le fond...   

7 critiques et philosophes se penchent sur la question du blockbuster (terme tiré d'une bombe capable de détruire un pâté de maisons). Parfois complexes, souvent instructifs, les essais ont le mérite de nous interroger sur ce type de métrage via quelques illustres exemples et thématiques (la démocratie, le terrorisme, le capital, le numérique, les figurants puis leur absence...) : la saga Alien, Titanic, les Batman de Nolan, King Kong, Godzilla...

Après Belluaires et Porchers, dont je ne vais pas reparler pour ne pas déclencher une nouvelle polémique   j'ai terminé la Cathédrale de Huysmans (étalage d'érudition sur l'histoire de l'art, intéressant ma foi, fascinant même, mais on se demande parfois si on a dans les mains un récit, ou bien un ouvrage descriptif sur la cathédrale de Chartres et sur le symbolisme chrétien).
De très beaux passages cependant.

J'ai aussi enfin terminé les Mémoires d'outre-tombe (ça fait du bien).
J'aime le Chateaubriand lyrique, mais le Chateaubriand qui se tripote un peu la nouille en feignant l'humilité, le Chateaubriand qui nous fait part de sa correspondance avec madame Récamier - on s'en branle de madame Récamier bordel - et le Chateaubriand légitimiste tiédasse avec sa charte libérale de merde à la con m'ennuient.
Le Chateaubriand qui tacle Talleyrand est excellent (il tacle en finesse, rien à voir avec Bloy ou Céline, par exemple, le bas de soie glisse sur le gazon).
Mon prochain gros chantier sera la Bible en entier (je m'étais arrêté aux Nombres... « Machin fils de machin, fils de machin, fils de machin, de la tribu de machin, a engendré machin, qui engendra machin, qui lui-même engendra machin et machin, etc. ») ou L’Iliade et l'Odyssée.

J'ai ensuite torché la tentation de saint Antoine en une journée, très beau style évidemment, flamboyance digne de Salammbô (mon Flauby préféré) mais en lisant certains propos du Diable arguant contre saint Antoine pour le dépouiller de sa foi, on se dit que Satan est un peu nul en théologie : c'est sans-doute le côté Bouvard et Pécuchet malgré lui de l'auteur.

Bon, demain je m'attaque à l'Idiot de Dostoïevsky.
J'ai jamais autant lu que depuis que j'ai ce taff (y a pas d'ordinateur, sinon j'irais sur facebook et planet gong toute la journée).

Les Huysmans tu les lis dans l'ordre?
Parce que si je me goure pas, La Cathédrale, il va après La bas et En Route... (et peut etre encore un. Ou alors il y en a un apres la Cathédrale. Je sais plus.)

Oui je les ai lus dans cet ordre (sans compter À Rebours, je n'ai pas encore lu En Rade).
Après La Cathédrale il y a L'Oblat je crois.

A Rebours c'est un grand paradoxe pour moi. Pourquoi les gens conseillent tous celui la quand La Bas est tellement mieux... entre autres comme porte d'entrée.

C'est quand-même (quand-même ! merde quand-même !) son roman le plus réputé, et celui de la rupture avec le naturalisme. Je n'ai d'ailleurs jamais lu ce qu'il a fait avant...
Le personnage de des Esseintes a marqué la littérature, à côté Durtal est un peu insignifiant je trouve.

C'est vrai que dans À Rebours Huysmans ne peut pas trop se servir de sa technique (un peu grossière dans La Cathédrale) du dialogue pour étaler son érudition...
On ne peut nier que Huysmans est parfois pédant, mais bon, par rapport à Hugo ça va encore, il a de la marge.
Là où Huysmans est excellent, c'est lorsqu'il parle d'une oeuvre d'art : dans À Rebours c'est Salomé de Gustave Moreau, dans Là-Bas c'est la crucifixion du Christ de Grunewald, dans La Cathédrale c'est le couronnement de la Vierge de Fra Angelico.

Amusant comme deux visages de l’Amérique s'opposent complètement entre d'une part, Thompson et Pollock, et de l'autre Phillipe Roth. D'un côté des frères et sœurs cul-terreux pas encore pubères qui forniquent en bord de rivière en gueulant des "Alléluia!" sordides, tandis que chez l'autre la petite bourgeoisie urbaine engoncée dans le traditionalisme fabrique des individus qui atteignent l'age adulte sans jamais avoir du affronter la moindre petite secousse.

Le contraste est d'autant plus saisissant qu'une bonne partie des intrigues de Knockemstiff et d'Indignation se déroulent toutes les deux dans les années 50, dans l'Ohio, à environ 250km de distance.

Comment va la prostate de Philip Roth ?

Bon, j'ai terminé l'Idiot de Dostoïevski, je me suis enfilé les 975 pages en moins de deux semaines, décidément je commence à m'attacher à ma planque ! 100 pages par jour crénom de nom...
Ah oui, c'est très bien l'Idiot, la littérature de Dostoïevski est à la fois puissante et subtile, parfois pompeuse et grotesque (c'est Russe après tout) mais grave et profonde, fourmillante d'intrigues tordues (et quelques fois un peu bidon, il faut le dire) et la psychologie des personnages est très étrange.
Ils semblent atteints d'une folie maladive (ils sont russes après tout).
Certains plus que d'autres, évidemment, mais absolument tous sont insanes (non ce n'est pas un anglicisme, c'est un latinisme).

J'ai une autre piste pour un autre taff, je me demande si du coup -si satisfait de mon petit poste - je vais me pointer à l'entretien (ou ne pas me pointer du tout) mal rasé, en jogging, mâchant du chouine-gomme, poser mes airmax (je m'en ferais prêter) sur le bureau, lâcher une flatulence sonore et un rôt retentissant, allumer une clope et tous les traiter de fils de pute.
C'est mon rêve, la première chose que je ferais si je gagnais à l'euromillion - en supposant que j'y joue un jour - serait d'aller à des entretiens d'embauche pour insulter les examinateurs.

Bon soyons sérieux, revenons à la littérature.
À cause d'Omsk, j'attaque Kaputt de Malaparte, c'est à la fois beau et fantasque, le style est riche et précieux comme celui de d'Annunzio, avec une pointe de sensibilité en prime. Les descriptions méticuleuses chargées de références à la peinture sont magnifiques, le passage de la charogne de jument morte m'a évoqué les délires de Lautréamont, avec les phrases hallucinées répétées comme un refrain. Je sens que ça va me plaire.

Terminé Kaputt.
Excellent, vraiment excellent !
En plus du lyrisme d'annunzien, toutefois plus sensible (un lyrisme moins mâle que celui de d'Annunzio mais plus que celui de Proust si vous voulez), une ironie continue, bien plus noire et amère que celle de Lampedusa. Des anecdotes hilarantes de beuverie qui rappellent certaines scènes de libations dans les copains de Jules Romain (à part d'Annunzio il n'y a évidemment pas de rapports d'influence de Jules Romain ou Tomasi di Lampedusa sur Malaparte, je précise au cas où) et d'autres anecdotes tragiques, témoignages précieux des horreurs de cette guerre (en Croatie, en Ukraine, en Roumanie, en Pologne et à Naples).
On pourrait rapprocher aussi son triste humour résigné à celui d'Ernst von Salomon dans le questionnaire, le talent littéraire de Malaparte étant toutefois supérieur.
Bref, j'ai vraiment beaucoup aimé ce livre et je le recommande !

Puis



Côté roman, je pense à un Déon ou à un Bernanos. Faut que je planifie un peu parce que j'enchaîne au boulot.   

Curieux bouquin, assez barré mais très drôle.
Je compte poursuivre dans la veine sud-américaine (ce qui ne représente pas rien, je vous l'accorde), si vous avez des conseils...