Et les livres sans images, alors?

A propos d'un autre sujet, je viens de repenser à ce bouquin, "Trois chevaux" d'Erri de Luca. Le titre vient d'un proverbe italien disant que la vie d'un homme dure la vie de 3 chevaux (un cheval vit environ 25 ans). Le narrateur prend conscience que la vie de son 2e cheval touche à sa fin. C'est joliment écrit, assez touchant. J'aime bien sa façon de parler de la lecture :
"Je mets la soupe entre moi et le livre posé contre le demi-litre.
Dehors il fait soleil et dans la salle il n'y a pas le Sud gelé d'hier. Je mange.
La cuillère est amie de la lecture, elle pêche même toute seule dans l'assiette. La fourchette demande plus d'attention."

Je n'ai pas lu ce bouquin-ci d'Erri de Luca, mais c'est un auteur que j'aime bien ( et dont je crois avoir discuté avec El Hidalgo qui, contrairement à ce que certains essaient de nous faire croire, a parfois d'autres activités culturelles que d'aller mater Kung-Fu Panda 2).

Pour en revenir à Claude Duneton que tu as cité dans la discussion "autant / au temps" (z'avez vraiment rien d'autre à faire, tous?), j'ai parcouru son livre le plus célèbre, consacré aux expressions imagées ("La puce à l'oreille"), et je dois dire que j'ai rarement vu un sujet aussi intéressant être traité de façon aussi navrante. La lecture de ce bouquin est vraiment pénible, alors que l'idée de départ laissait espérer quelque chose de dynamique et de varié.

Mes dernières lectures: "Ramuntcho" de Pierre Loti et deux romans d'auteurs contemporains: "Une exécution ordinaire" de Marc Dugain et "L'Abyssin" de Jean-Christophe Ruffin.

Rémi a écrit:

Je n'ai pas lu ce bouquin-ci d'Erri de Luca, mais c'est un auteur que j'aime bien ( et dont je crois avoir discuté avec El Hidalgo qui, contrairement à ce que certains essaient de nous faire croire, a parfois d'autres activités culturelles que d'aller mater Kung-Fu Panda 2)

l'un n'empêche pas l'autre ...

Rémi a écrit:

"L'Abyssin" de Jean-Christophe Ruffin.

c'est l'auteur de Rouge Brésil ? il est comment celui-ci ?

Oui, c'est l'auteur de "Rouge Brésil"; "L'Abyssin" était son premier roman, il se laisse bien lire même si ce n'est pas un livre qui va changer ma vie. C'est un bouquin qu'on m'avait offert il y a longtemps, je suis retombé dessus et je l'ai lu la semaine dernière, j'ai vu depuis qu'il avait été primé (et ça m'a un peu surpris tout de même).

oui un peu comme Rouge Brésil quoi : un bouquin sympa à lire sur la plage mais bon de là à lui filer le Goncourt...

Ne serait-il pas un peu surestimé le Ruffin ?

Rémi a écrit:

Je n'ai pas lu ce bouquin-ci d'Erri de Luca, mais c'est un auteur que j'aime bien

Montedidio, alors (le boomerang) ou Tu mio (la barque) ?

Merde, Pierre Loti ? Y'a encore des gens qui le lise lui ? T'a trouvé ça comment ?
Fatalement, moi je ne connais que "Pêcheur d'Islande".

Rufin (y'a qu'un seul F non?) j'ai pas du tout accroché a "Katiba", peut-être a réessayer, mais ouais, globalement il vends beaucoup pour peu de contenu pour ce que j'en connais. Le Goncourt est un très mauvais indicateur; Le dernier que j'ai lu était le Weyergans, depuis j'ai dit stop, c'est vraiment n'importe quoi.

Le Dugain à l'air plutôt bien, avant que je n'ai la fainéantise de regarder le film, le livre vaut le coup ?

Urizen a écrit:

Rufin (y'a qu'un seul F non?)

oui effectivement... mais à Ruffian il y en a 2 ce qui colle bien avec Rouge Brésil...

non d'accord on a pas été bon sur ce coup là...

Waow que de succès...


Dans l'ordre des questions:

"L'Abyssin", de Rufin (et les prix littéraires): le bouquin se laisse bien lire, je ne sais pas trop quoi t'en dire de plus; quand aux prix littéraires, pour le peu que j'en sache, c'est du grand n'importe quoi. Mon interrogation à ce sujet est de savoir si ça a toujours été comme ça ou non.

D'Erri De Luca, j'ai lu "Le Contraire de un" (un recueil de nouvelles que j'ai beaucoup aimé) et "Au Nom de la mère" (petit roman historico-religieux plus anecdotique à mon avis). Je n'ai pas lu ceux que tu citais, tu me les conseilles aussi?


Ramuntcho, de Loti: choisi presque par hasard (je n'avais lu que "Pêcheur d'Islande" comme tout le monde il y a longtemps), je n'ai pas été déçu: le roman est une évocation très réussie du pays basque - bon, il ne faut pas être allergique au régionalisme; ça m'a donné envie de lire d'autres livres de Loti, ce qui est bon signe.


"Une Exécution ordinaire", de Dugain: la construction du livre est originale, couvre différentes époques et suit différents personnages en URSS puis en Russie entre 1952 et ces dernières années; c'est bien fait, le début est presque anodin mais il y a finalement de belles trouvailles stylistiques ici et là. Je crois que le film ne s'attache qu'à une partie du livre.


J'en profite puisque je pense aux auteurs contemporains pour recommander à tout le monde Philippe Claudel (auteur notamment de "Les Âmes grises" et de "Le Rapport de Brodeck"). Voilà un auteur primé qui vaut le détour!

Ouais, Claudel est au dessus du lot dans le lot des primés - du moins ce que j'en connais, je suis pas très spécialiste des auteurs français contemporain.

Pour ce qui est des concours, ce n'est un secret pour personne que dans les 2/3 des cas c'est une histoire de magouilles entre éditeurs, c'est surtout vrai pour le Goncourt qui brasse enormement d'argent, du coup on se renvoit -échange de bons procédés- la balle d'une année sur l'autre.

Si vous voulez un conseil, lorsque vous voulez être sûr de vous fier a un prix littéraire crédible, favorisez le Goncourt des lycéen au "vrai" Goncourt, le resultat est presque systèmatiquement plus pertinent (ce fut le cas pour "Brodeck" de Claudel justement) en tout cas c'est là que je m'y retrouve le plus à chaque fois.

P.S. : Je détient pas la verité non plus hein, mais j'ai fait une formation dans les métiers du livre et de l'édition, donc je connais un peu le truc de l'intérieur.

J'ai commencé ce bouquin et je n'arrive pas à le lâcher.
Comme je n'ai pas fait de bac litéraire je mets ici le lien d'un blog (oui, c'est du copinage..et alors) qui parle de ce bouquin, mieux que je ne pourrais le faire:

http://chroniquesdasteline.blogspot.com/2009/06/torturez-l-artiste.html

Certains ici s'exposent au supplice de Tantale au cas où je ne saurai combler le fossé de mon inculture digne du tonneau des Danaïdes suite à l'achat de "J'irai cracher sur vos tombes", "La Saga d'Eirikr le Rouge", "La Saga de Gisli Sursson" et " La conjuration des imbéciles". Sinon, je reposte sur le calcaire marneux

John the revelator a écrit:

" La conjuration des imbéciles"

Hé hé, je viens de le passer à un pote. Tu diras ce que t'en as pensé, hein, dis, steuplé avec des tites ?

Là j'ai fini récemment Un privé à Babylone de Brautigan (acheté un peu au hasard).
C'est simple : c'est une BD sans images. Ou kèkchose comme ça. Je me suis souvent marré comme une baleine, on peut pas dire que ça manque de truculence, et d'un sens de l'absurde et du grotesque plutôt, hum, affirmé. Bref, de la littérature réaliste (je me comprends).

Alors moi, aujourd'hui (ce soir), j'ai écrasé plein de moustiques avec Le Bal du Comte d'Orgel, de Raymond Radiguet. Ben c'est vachement efficace, y'en a plus un qui bouge.

Rémi a écrit:

D'Erri De Luca, j'ai lu "Le Contraire de un" (un recueil de nouvelles que j'ai beaucoup aimé) et "Au Nom de la mère" (petit roman historico-religieux plus anecdotique à mon avis). Je n'ai pas lu ceux que tu citais, tu me les conseilles aussi?

Ouaip ! Montedidio est un bijou.

ZigZagWanderer a écrit:

Alors moi, aujourd'hui (ce soir), j'ai écrasé plein de moustiques avec Le Bal du Comte d'Orgel, de Raymond Radiguet. Ben c'est vachement efficace, y'en a plus un qui bouge.

Un exemplaire du Canard enchaîné ça marche pas mal aussi, en plus ça permet une certaine souplesse dans l'attaque.

Sinon, là j'ai entamé Sous le soleil de Satan de Bernanos (premier bouquin que je lis de lui). La première partie (l'histoire de Mouchette) m'a déjà collé une sacrée boule au bide, je sens que ça va être aussi dur à encaisser que l'adaptation de Pialat (quel poing dans la gueule, ce film).

Le dernier livre qui m'a mis une grosse claque est signé d'un illustre inconnu, le Serbe Srdjan Valjarevic (un prénom qui commence par quatre consonnes, le panache), auteur du roman "Côme". Il s'agit de l'histoire d'un pseudo-écrivain qui obtient une bourse pour passer un mois dans une villa du lac de Côme en vue de l'écriture d'un roman. Le type a en fait présenté un projet bidon et passe un mois en Italie à picoler comme un trou et draguer la serveuse du bar du village: un moment de flottement hors du temps superbement raconté, et très drôle (le mec zappe les dîners officiels pour mater des matches de foot dans la salle TV en buvant du whisky).

Autre belle découverte: "La tête perdue de Damasceno Monteiro" de l'italien Antonio Tabucchi, policier métaphysique ayant pour cadre la ville de Porto. Tabucchi est un des grands opposants à Berlusconi et un des membres fondateurs du parlement international des écrivains.

Dahu Clipperton a écrit:

Sinon, là j'ai entamé Sous le soleil de Satan de Bernanos (premier bouquin que je lis de lui).

Hé, cool! Encore un bon exemple d'auteur qui n'est plus lu du tout, Bernanos; c'est pourtant un sacré auteur! Je ne me souviens pas d'avoir entendu parler de lui pendant ma scolarité, et c'est assez scandaleux.

Merci PMS pour la précision sur "Montedidio".

Céline reste pour moi l'un des plus grands écrivains.

Par contre ta signature est un putain de spoil mec , pense aux gens qui n'ont pas lu le bouquin! (si si ça doit exister!)

Pour moi, Bernanos appartient à la catégorie des écrivains chrétiens chiants, avec Péguy et d'autres. Et je ne parle même pas du film "Journal d'un curé de campagne" de Bresson, une véritable purge.

Pour répondre à Yves Guillotines, je dirais qu'effectivement Proust et Céline sont évidemment deux immenses écrivains (je connais surtout le second à vrai dire), mais qu'en termes d'importance dans l'histoire littéraire et de talent, beaucoup d'autres auteurs du 20ème sont au moins à égalité (d'accord avec Urizen sur ce point): Joyce, Faulkner, D.H. Lawrence, Camus, Garcia Marquez, Orwell, Henry James, par exemple. Steinbeck à la rigueur, mais Fante ne boxe pas dans la même catégorie (même si son sport était plutôt le baseball).

el hidalgo del quinto a écrit:

Pour moi, Bernanos appartient à la catégorie des écrivains chrétiens chiants, avec Péguy et d'autres.

Là je suis en train de finir Sous le soleil de Satan, et pour moi les questions spirituelles/morales/humaines (j'ose les gros mots) qu'il met sur le tapis outrepassent clairement le christianisme et même la religion en général (pas pour rien qu'il a été aussi magistralement adapté par un athée comme Pialat). Mais c'est le premier que je lis de lui, hein

Citation :

Joyce, Faulkner, D.H. Lawrence, Camus, Garcia Marquez, Orwell, Henry James, par exemple.

Kerouac, aussi.

Pas d'accord sur Kerouac. J'étais très fan quand j'avais vingt piges, mais je trouve "Sur la route" très immature avec le recul et surtout pas formidablement bien écrit, malgré quelques instants de grâce. Le reste est simplement imbitable. Il a vachement bénéficié d'une sorte de mythologie beat qui est apparue autour de lui: le manuscrit interminable, la pseudo écriture jazz, etc. A mon avis il est loin de soutenir la comparaison avec les poids lourds que j'ai cités, au niveau de ce que messieurs les spécialistes appellent la "litérarité".

C'est quand même pas très zouli comme mot, litérarité