Depuis le temps qu'on l'attendait celui-là, on bons lobotomisés obsessionnels dylaniens que nous sommes (je généralise à dessein, comme disait Picasso)...J'ai donc vu "I'm not there" hier soir (pour ceux qui se seraient absentés de la planète ces dernières semaines, le film de Todd Haynes sur Dylan) et franchement, malgré le culte irrationnel que je porte à RZ, j'ai trouvé l'exercice globalement réussi. Le choix de montrer non pas un Dylan mais plusieurs s'avère efficace,tant, àl 'instar d'un Bowie, de "Freewheelin'" à "Desire" en passant par "Highway 61" et la période mystique born-again christian, on n'a pas l'impression d'avoir affaire à une seule et même personne. Ce que j'ai trouvé particulièrement intelligent également est le fait que deux des personnages, le petit garçon noir et Billy the Kid, ne sont pas censés incarner Bob à une période donnée de sa vie mais cristalliser les influences qui l'ont façonné, du blues aux mythes de l'Ouest américain. Le petit black s'appelle Woody, voyage clandestinement dans les trains de marchandise et porte un étui à guitare sur lequel est écrit "this machine kills fascists". Leadbelly et Guthrie dans un même personnage, et concrétisation cinématographique des mythes véhiculés par Dylan sur sa jeunesse dans "11 outlined epitaphs" par exemple. Jusque dans le film, he is not there, ce n'est pas lui, absent dans sa propre bio, caché derrière un voile de mensonges. Cate Blanchett est assez convaincante en Dylan king of the planet in 66 et les scènes ressemblent de manière frappante à "Don't Look Back". Sa diction est assez incroyable, elle a dû passer des plombes à regarder Dylan disserter sur l'existence au fond de sa limousine. Moins convaincu par Julianne Moore en Joan Baez (mais Joan Baez a-t-elle jamais convaincu qui que ce soit?) et par Sara incarné par C Gainsbourg, qui n'apporte rien au film ni à l'appréhension de la complexité du personnage et ne fait qu'ajouter une touche de pathos sentimental.
En outre (et pas seulement à vin) c'est un film que je conseille vivement aux dylanologues-dylanophiles de tous poils qui vont se régaler de décrypter et décoder toutes les mini références et allusions qui égrènent le film, de la figure de la tarentule aux citations de conf de presse en passant par les paroles des chansons et les anecdotes plus ou moins fameuses, du "Judas!" de Manchester à l'accident de moto. Les clins d'oeil ne manquent pas et n'allez surtout pas voir le film en compagnie d'un néophyte que vous ne manquerez pas de saoûler avec vos éclaircissements post-visionnage.
Looking forward to having your impressions sur ce film qu'on peut qualifier sans beaucoup se tromper de "couillu".
Dylanement vôtre,
Denis